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Bilan | Une saison en demi-teinte

Bilan Une saison en demi-teinte

Numéro 102

Soumise à une douceur exceptionnelle (2013-2014 est le deuxième hiver le plus doux depuis 1900 selon Météo France) et à un calendrier scolaire très décalé, la saison écoulée ne restera pas dans les annales des ESF, même si dans les Pyrénées, la Haute-Savoie, le Dauphiné et le Massif Central, les écoles de ski ont plutôt bien tiré leur épingle du jeu. Le point avec les délégués régionaux.

 

« Capricieux, en demi-teinte, en dents de scie »… C’est ainsi que la majorité des délégués régionaux qualifient l’hiver dans les ESF. Le bilan oscille entre « un peu à la baisse » ou « globalement satisfaisant » selon les écoles, tandis que toutes enregistrent des pics de fréquentation et des phases de creux très marqués cette saison. Si certaines stations ont été réellement impactées par les conditions météo – comme Auron et Isola 2000 dans les Alpes du Sud, victimes des précipitations abondantes, ou certaines stations vosgiennes ayant souffert du manque de neige –, l’ensemble des stations, tous massifs confondus, l’ont été par le calendrier scolaire. La répartition des vacances, inadaptée à l’activité hivernale, a en effet allongé la période creuse jusqu’à mi-février et engendré une surfréquentation lors des deux premières semaines des vacances d’hiver, où les ESF n’ont pas toutes pu satisfaire la totalité de la demande faute de moniteurs… Les vacances pascales, fort tardives, ont également précipité la fin de saison, hormis pour quelques grandes stations d’altitude.

Côté consommation, les observations sont les mêmes dans tous les massifs : la clientèle tend à changer son comportement en étant plus exigeante en termes de prestations et plus attentive aux tarifs pratiqués. Alors, même si les cours collectifs enfants et les Clubs Piou Piou ont toujours autant de succès, les ESF, tout comme les stations, devront probablement se diversifier davantage pour s’adapter à l’évolution de cette clientèle.

 

  Haute-Savoie > Une fin de saison délicate 

Guy Delavay : « Sur la Haute-Savoie, nous ne nous en sortons pas mal. Malgré un faible enneigement en début de saison, les écoles de ski ont su s’adapter et pu proposer la plupart des prestations. Nous avons bien démarré avec les semaines de Noël et du jour de l’An, et effectué de bonnes zones de vacances d’hiver, dont trois premières semaines très denses qui englobaient beaucoup de monde, y compris la clientèle étrangère. De janvier à mi-février, certaines stations ont souffert alors que d’autres, dans le Chablais notamment, ont pu maintenir un bon niveau d’activité grâce aux classes de neige. La fin de saison a été plus délicate ; après le 22 mars, la baisse d’activité a été vraiment significative, ce qui nous a fait perdre notre petite avance. Les ESF haut-savoyardes réalisent ainsi sensiblement le même chiffre d’affaires que la saison dernière, un peu en dessous pour certaines écoles et en légère augmentation pour d’autres, comme La Clusaz ou Avoriaz. A la faveur de leur enneigement, ces stations ont récupéré la clientèle de fin de saison, belge, anglaise et française. Toutefois, le volume du CA se fait principalement sur les vacances scolaires de Noël et d’hiver, ce qui implique d’avoir un effectif de moniteurs conséquent pour pouvoir répondre à la demande, et nous sommes confrontés à des périodes intermédiaires de plus en plus creuses.

Nous constatons par ailleurs que le marché anglais est toujours bien présent en Haute-Savoie, et que les gens gèrent de plus en plus leur budget. Cela se ressent notamment au niveau des leçons particulières où le moniteur doit fournir un excellent travail pour qu’elles soient reconduites – et malgré tout, elles ne le sont pas toujours… Globalement, les cours collectifs adultes sont assez prisés, les stations des Portes du Soleil ont mis en place un produit d’appel “You can ski !” qui a très bien marché. »

 

  Savoie > Les effets de la crise se font sentir 

Alain Etievent : « La saison s’annonçait bien, mais elle n’a pas été faramineuse au final. Nous avons démarré avec un enneigement correct et des vacances de Noël à l’image de celles de l’an passé. Hélas, pour la suite de l’hiver, nous avions un peu moins d’atouts au niveau du calendrier scolaire qu’en 2013. La superposition des vacances belges et britanniques avec la zone de Paris a été préjudiciable pour la plupart des stations car ce sont deux réservoirs de clientèle très importants. En termes d’hébergement et de possibilités d’encadrement, nous nous sommes retrouvés sur une période surchargée durant laquelle nous n’avons pu donner satisfaction à la totalité de la clientèle. Nous avons également connu deux périodes creuses assez sensibles, sur les deuxièmes quinzaine de janvier et de mars, avec une baisse de la clientèle étrangère qui consomme habituellement des cours privés. Ce qui signifie que l’on commence à ressentir les effets de la crise auxquels nous avions échappé jusqu’à présent. Les gens changent leur mode de consommation qu’ils adaptent au contexte économique actuel. Enfin, il y a ces fameuses vacances de printemps tardives où tout le monde essaie de rivaliser d’imagination pour attirer la clientèle. Nous avons pas mal travaillé en première semaine avec les Parisiens et, lors de la semaine précédente, avec les Belges et les Britanniques. Ensuite, beaucoup de stations ont fermé.

Globalement, si certaines écoles ont réussi à maintenir le bon chiffre d’affaires de l’an dernier, la tendance est à la baisse, entre - 5 et - 8 %. Malgré les efforts fournis par les ESF en termes de promotion et de commercialisation, elles sont toujours impactées par le taux de remplissage des stations. Nous devons consolider le CA durant les vacances scolaires ; hors périodes, c’est plus difficile. Il faut certainement nous repositionner et amener un peu plus de souplesse à nos prestations, adapter nos horaires et réfléchir à la mise en adéquation de nos offres avec les attentes de la clientèle. »

 

  Dauphiné et Massif Central > CA en hausse dans le Massif Central, stable dans le Dauphiné 

Jean-Yves Noyrey : « Le Massif Central réalise une très bonne saison : + 10 % dans l’ensemble, malgré un mois de janvier très calme et grâce à la neige tombée juste aux bons moments. Le Dauphiné s’en sort plutôt bien quant à lui. A L’Alpe d’Huez, Les 2 Alpes ou Chamrousse, comme dans le Vercors ou en Chartreuse, la saison est plus que correcte, malgré les sautes d’humeur de la météo et de la neige. En moyenne, le chiffre d’affaires des ESF est à peu près équivalent à celui de la saison dernière ou juste en dessous. Toutefois, on constate une baisse de fréquentation sur la totalité de la saison, puisque nous réalisons le même CA avec une augmentation des tarifs… Si les semaines de Noël et du jour de l’An ont été superbes et les quatre semaines de vacances d’hiver très bonnes, janvier a été long et difficile, et les deux dernières semaines de mars catastrophiques. A tel point que certaines stations se sont demandé si elles n’allaient pas fermer – c’est étonnant, cette période était très prisée auparavant… Heureusement, le mois d’avril avec les vacances de Pâques des Parisiens et des étrangers n’a pas été mauvais, notamment pour les stations de plus haute altitude, ce qui a permis de rattraper un peu le déficit de mars.

Nous pouvons être satisfaits d’une telle saison, même si au niveau des stations, la crise se fait vraiment ressentir, surtout chez certains commerçants. Dans les ESF, les cours adultes baissent. Les gens investissent davantage pour leurs enfants, les cours collectifs marchent très bien et les stages compétition sont toujours très appréciés. La clientèle habituée des leçons particulières a également tendance à se restreindre, signe que le prix devient dissuasif et que les gens gèrent leur budget. Pour l’avenir, nous avons intérêt à rechercher une clientèle un peu différente pour la fin de saison, qui ne consomme pas le ski comme en plein hiver, mais qui aime skier le matin et faire d’autres activités l’après-midi, avec des prix attractifs. »

 

  Jura et Vosges > Une saison quasi normale 

Guy Guignard : « Le bilan n’est pas comparable dans les deux massifs. Les Vosges ont malheureusement souffert d’un déficit de neige lors des vacances de Noël et en janvier ; seule La Bresse a pu tirer son épingle du jeu grâce à la neige artificielle qu’elle avait produit suffisamment tôt lors de l’unique épisode de froid. Alors que Ventron, par exemple, n’a pas assez anticipé et n’a pas pu fabriquer de neige de culture car les températures ont été ensuite trop clémentes… Le Jura a bénéficié de chutes de neige plus abondantes, et les stations situées au-dessus de 1100 mètres ne s’en tirent pas trop mal, même si le bilan est en légère baisse par rapport à l’hiver précédent. La comparaison avec la saison dernière qui fut excellente n’est d’ailleurs pas forcément objective…

Globalement, ce n’est pas catastrophique. Je qualifierais la saison de quasi normale, excepté pour certaines stations vosgiennes qui ont pu malgré tout s’en tirer en se repliant sur La Bresse, comme l’a fait notamment Gérardmer. Le calendrier scolaire n’a pas non plus été favorable, avec une très longue période de creux entre la fin des vacances de Noël et le début des vacances d’hiver, et une fin de saison précipitée dès la mi-mars… La clientèle de proximité qui vient habituellement le week-end était aussi moins motivée par l’enneigement moindre, et probablement plus regardante à la dépense. Nous restons cependant optimistes pour l’an prochain, grâce au calendrier plus adapté tandis que les stations ont retenu la leçon et anticiperont pour produire plus de neige dès les premiers froids… »

 

  Hautes-Alpes > La diversification commence à porter ses fruits 

Jean-Paul Carlhian : « Les chiffres sont légèrement en baisse par rapport à l’an passé. L’hiver a été très mitigé, en dents de scie, avec de gros pics de fréquentation lors des vacances de Noël et d’hiver, entrecoupés de périodes très creuses en janvier et de fin mars à début avril. Certaines stations ont également été confrontées à un problème d’enneigement en tout début de saison. Heureusement, la neige est tombée le 19 décembre et Noël a été bon. Ensuite, janvier a été long, très long, et l’activité limitée et difficile avec des centres de vacances qui ferment, des classes de neige qui ne viennent pas, des petites et moyennes structures qui souffrent… Quant à la fin de saison, même si certaines stations ont fait l’effort gigantesque de rester ouvertes, elle a été écourtée.

Le bilan est très inégal selon les stations, et on se rend compte qu’il ne faut pas se cantonner à un seul type de clientèle mais se diversifier, s’ouvrir et ne pas rester dans un seul schéma. Les ESF ont beaucoup travaillé dans ce sens, par exemple avec les produits ados qui ont permis de récupérer une clientèle dans cette tranche d’âge, ou encore en remettant les tests compétition au goût du jour sous l’impulsion d’Eric Gravier. Tout cela commence à payer ! Il est aussi nécessaire que les stations et les offices de tourisme jouent le jeu dans ce sens. On note également que le comportement de la clientèle est plus réfléchi. Les gens veulent connaître les produits et sont de plus en plus exigeants, notamment lorsqu’ils réservent à leur arrivée en station : ils n’hésitent pas à comparer les prestations ESF avec celles de la concurrence. Ils analysent les prix, les produits, le nombre d’élèves, etc., et la marge de manœuvre se réduit. Les ESF sont vigilantes, mais elles ne doivent pas se relâcher. »

 

  Alpes du Sud > Le ski de printemps délaissé 

Patrick Rocher : « La saison a été capricieuse, à la fois douce et très enneigée dès le début de saison, et nous avions rarement vu autant de précipitations en décembre et janvier à une certaine altitude,. Cependant, certaines stations comme Auron ou Isola 2000 en ont pâti et se sont retrouvées avec des accès routiers très perturbés. Paradoxalement, les stations plus petites ou moyennes comme Valberg, La Colmiane, Gréolières, plus proches de la Côte d’Azur, ont bien marché. Même reflet du côté des ESF : les grandes comme Auron et Isola enregistrent une activité un peu en baisse, alors que les autres sont plutôt satisfaites.

Globalement, nous avons connu une grosse fréquentation pendant les vacances de Noël et d’hiver, avec un mois de janvier qui s’est étiré et a dilué la clientèle qui vient à cette période, puis la fréquentation s’est effondrée à partir de mi-mars, en raison des vacances de Pâques très tardives. Le ski s’est désamorcé soudainement, surtout dans notre région où l’on subit la concurrence de la Côte. Dans les Alpes du Sud, nous avons une clientèle de tous horizons, plutôt aisée et qui pratique beaucoup les loisirs et le ski, permettant aux stations et aux ESF d’avoir une clientèle privilégiée, mais qui zappe facilement. C’est dommage car le ski de printemps est délaissé, alors que c’est un ski de qualité et de très grand plaisir : il fait bon, les journées sont longues… C’était d’ailleurs un ski assez couru à une époque. Peut-être a-t-on un peu oublié d’en faire la promotion ? »

 

  Pyrénées > François Barats 

Après tous nos soucis de l’hiver dernier, nous avons réalisé une saison correcte. Nous avons encore été bien enneigés, la plupart des stations ont ouvert le dernier week-end de novembre et fermé assez tard, mi-avril. Nous n’avons pas été pénalisé cette fois par l’excès de neige, mais un peu par le vent, provenant des nombreuses tempêtes sur la façade atlantique. Cela a entraîné plusieurs jours de fermeture dans les stations, sans quoi nous aurions certainement fait une excellente saison ! Néanmoins, il ne faut pas se plaindre, la majorité des ESF réalisent un CA équivalent à leurs meilleures saisons, voire en légère augmentation pour certaines comme Gourette ou Saint-Lary. Noël a été excellent, suivi d’une période creuse qui s’est étirée jusqu’au 16 février, puis de quatre semaines de vacances d’hiver bien pleines. La fin de saison a connu une baisse de fréquentation notable, peut-être dû au fait que toutes les stations étaient encore ouvertes… Sur le côté ouest des Pyrénées, nous constatons toujours une diminution de la clientèle espagnole, alors que Font-Romeu ou les Angles travaillent bien avec les Ibériques… On note que les gens font beaucoup plus attention, privilégient les courts séjours et sont prêts à consommer, mais à coup sûr : en cas de mauvais temps, ils annulent leurs cours. En cours collectifs, 85 % de la clientèle sont des enfants, dont assez peu d’ados. Les adultes sont de moins en moins attirés par le collectif, mais les leçons particulières se maintiennent bien. Certes, nous voyons passer la crise, mais notre clientèle reste épargnée..

 

  Quelques chiffres sur la fréquentation des stations 

> Taux d’occupation

• Vacances de Noël : excellent remplissage, de 84 à 94 % selon les massifs.

• Période inter-vacances n°1 très fluctuante, de 38 à 79 %.

• Vacances d’hiver : taux d’occupation très bons, de 78 à 88 %.

• Période inter-vacances n°2 : taux variant entre 21 et 66 %.

• Vacances de printemps : taux de réservation inférieur à 45 %.

> Clientèle internationale

Les Britanniques sont les plus présents dans les Alpes du Nord. Les clientèles de l’Europe de l’Est l’emportent dans les Alpes du Sud, les Espagnols dans les Pyrénées, les Suisses dans le Jura.

> Réservations et séjours

• La tendance aux réservations de dernière minute se confirme année après année. Ces dernières sont jugées plus nombreuses que l’an passé pour tous les massifs, exceptées les stations sud-alpines où elles sont stables.

• Les courts séjours sont en hausse dans les Alpes, les Pyrénées et le Massif Central, et équivalents dans le Jura.

• Les ventes de séjours tout compris sont en recul par rapport à l’hiver dernier dans les Alpes du Nord et stables dans les Alpes du Sud.

(Source : Association nationale des maires des stations de montagne)

 

Propos recueillis par Claudine Emonet-Profit

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