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Christophe Vidoni | King of the ring !

Christophe Vidoni King of the ring !

Numéro 102

C’était le 19 octobre dernier à Naples. Juste avant de rechausser les skis à l’ESF de Piau-Engaly, Christophe Vidoni décrochait le titre de champion du monde de kick-boxing. Lui qui songe à prendre sa retraite – ou à remettre sa ceinture en jeu si l’occasion se présente – nous fait revivre sa victoire par KO.

 

« J’attendais cette échéance mondiale depuis 2010. A l’époque, j’avais déjà rencontré mon adversaire, Yuri Nurcovic, et je l’avais battu. Il n’était pas encore champion du monde et nous devions faire la revanche, mais entre-temps il a obtenu le titre mondial. Alors la WKVC (Fédération internationale de kick-boxing) et lui-même m’ont offert l’opportunité de ce combat. Restait à le mettre en place. La boxe pied-poing est très peu médiatisée en France et devant l’impossibilité d’organiser cette soirée dans la région, faute de budget notamment, mon entraîneur m’a donné la possibilité d’aller boxer en Italie où le public apprécie davantage les sports de combat.

Yuri Nurcovic est plus jeune que moi. Il a 27 ans, je savais que c’était un adversaire difficile, très dur au mal et qui ne recule jamais. De plus, il vient de la boxe thaïlandaise, plus statique, plus rugueuse, où le coup dur est d’avantage recherché, alors que je suis issu de la savate boxe française caractérisée par des techniques plus aériennes et des liaisons pied-poing et poing-pied. Il me fallait donc absolument jouer sur mes atouts, c’est-à-dire la mobilité, la vitesse, le coup d’œil… Pour le frapper, ressortir, éviter l’affrontement purement physique et chercher à le fragiliser petit à petit, avec beaucoup de frappes au niveau des jambes. Nurcovic étant gaucher, nous avions mis en place, avec mon entraîneur, une tactique où, à chaque sortie d’enchaînement, je devais le frapper à la jambe droite, qui est sa jambe avant, pour l’affaiblir, et surtout éviter sa jambe arrière semblable à une batte de baseball. J’ai réussi à imposer cette stratégie dès le début du combat prévu en douze reprises de deux minutes. Dès la deuxième reprise, j’ai bien entamé mon rival au niveau du vaste externe, au-dessus du genou. J’ai senti qu’il avait du mal à se déplacer et j’ai pu le travailler davantage dans le coin du ring. A la suite d’un enchaînement en poings lié avec un coup de pied retourné dans le foie, j’ai pu le finir à la fin de la deuxième reprise. Le combat a été court, à peine quatre minutes ! Nous avions plus ou moins échafaudé ce scénario qui me correspondait bien en tant que boxeur expérimenté mais usé physiquement. Nous savions qu’en prolongeant le combat sur les douze reprises, ce serait compliqué pour moi… Après le combat, je suis allé voir mon adversaire dans les vestiaires. Il m’a félicité. Sur le ring, on va au bout mais une fois le combat fini, l’humanité reprend souvent le dessus, c’est ça aussi la boxe !

 

Lors des combats, nous n’avons aucune protection au niveau des jambes et lorsqu’on parvient à donner deux ou trois coups au même endroit, en général le combat se termine. Par contre, si l’adversaire parvient à bloquer les coups avec ses tibias, les rôles s’inversent et ça peut faire très mal, mais c’est tout le jeu ! J’avais remporté des titres nationaux, mais jamais de titre mondial. Alors oui, j’ai réalisé un rêve. C’était un peu inespéré à 41 ans, alors qu’à 30 ans on est déjà considéré comme un vieux ! C’est l’aboutissement de dizaines d’années de travail et de sacrifices. C’est une satisfaction personnelle, mais aussi une récompense pour ma famille, pour le club, pour mon entraîneur…

Au départ, notre rencontre devait se dérouler en juin, à Rome. Je m’entraîne quotidiennement, même l’hiver. Pour arriver à un combat vraiment affûté, huit semaines de préparation spécifique sont nécessaires. Juste après la fin de saison hivernale, je suis donc entré dans un cycle d’entraînement mais au bout de six semaines, alors que j’avais quasiment fait le plus dur, de la perte de poids aux entraînements avec différents sparring partners où j’avais encaissé pas mal de coups, aux tibias notamment, j’ai appris que le match était reporté… J’avais souffert dans ma préparation et j’ai eu du mal à me remotiver. Mon entraîneur m’a alors dit : « Ok, je pars en Italie cet été, je t’assure qu’on va le mettre en place pour le mois d’octobre ». Petit à petit, je me suis remobilisé, j’ai refait de l’endurance l’été, soigné mes bobos, avant de recommencer un nouveau cycle d’entraînement fin août. Habituellement, juillet et août sont des mois où je récupère, cours et nage. Mes deux métiers, moniteur de ski et maître-nageur, me permettent de garder la forme et de m’entraîner, tout en gagnant ma vie, car la boxe n’offre que quelques primes pour les combats, insuffisantes pour en vivre.

 

J’ai abordé les sports de combat par le judo à l’âge de 8 ans, avant de passer au karaté de 15 à 19 ans, contre l’avis de mon père qui m’avait accompagné lors de mes années judo. Je me suis donc débrouillé seul, n’hésitant pas à parcourir 30 km en vélo pour aller m’entraîner. Puis j’ai intégré l’équipe de France junior de karaté. Cette discipline me plaisait néanmoins moyennement car l’engagement n’est pas total, les frappes sont toujours contrôlées tant au niveau des jambes que du visage. C’était un peu frustrant pour moi qui recherchais vraiment le combat. Je suis alors passé à la boxe et, à 22-23 ans, j’ai fait mes premières rencontres en savate boxe française. J’ai eu la chance d’intégrer le club de l’aérospatiale, le TOAC, avec un entraîneur de qualité, ce qui m’a permis de gravir rapidement les échelons et de remporter mon premier titre national en 2001. Parallèlement, j’ai commencé à pratiquer le kick-boxing et, en 2002, j’ai décroché le titre national pro. Puis le club a fermé et je suis allé au Toulouse multi-boxes, où je me suis naturellement tourné vers mon entraîneur actuel, Antonio Mastropasqua. Nous nous étions déjà croisés sur des compétitions, le courant passait bien et sa vision de la boxe me plaisait. C’est un super coach, notre collaboration dure depuis des années et notre relation s’est vite transformée en amitié à travers la passion de la boxe mais aussi notre culture, puisqu’il est Italien et que j’ai moi-même été élevé en partie par ma grand-mère italienne… Sa vision de la boxe est extrêmement fine, il a une très bonne analyse et met toujours en place une tactique très précise. Quand on part au combat tous les deux, j’ai besoin d’avoir une confiance absolue en lui. Sur le ring, on est seul, mais l’entraîneur est juste derrière, il tient la bassine, le protège-dents, il a les produits de soin et, durant la minute de repos, il donne des consignes dans le coin. Si jamais ça se passe mal, c’est lui qui va jeter l’éponge et faire arrêter le combat. Moi, je suis conditionné pour aller au bout du combat. Même si je prends des coups, que je suis épuisé ou blessé, je ne lâcherai pas, je n’aurai pas la lucidité pour dire stop. Mon intégrité physique est entre ses mains ! De son côté, il me connaît parfaitement, il sait ce que je donne à l’entraînement et veille sur moi… Tout cela fait que c’est une relation très particulière.

 

Ma femme joue également un rôle très important. Elle travaille, s’occupe de nos deux enfants, de la maison, de la logistique, de ma diététique et me booste quand je suis fatigué ou que j’ai le moral en baisse ! Tous les boxeurs n’ont pas cette chance. Si j’ai pu faire ce que j’ai fait, c’est en grande partie grâce à elle, à son écoute, sa compréhension, sa patience et son soutien indéfectible. Pourtant, elle n’apprécie pas ce sport ! Nous avions convenu que ce combat du 19 octobre serait le dernier. Je peux sortir de la plus belle des manières… mais, durant un an, je peux accepter d’éventuelles propositions par les meilleurs mondiaux. S’il ne se passe rien d’ici-là, la ceinture sera dite « vacante » dès le 19 octobre prochain et je perdrai mon titre. Deux autres boxeurs pourront alors s’affronter. J’attends les propositions… Si les conditions sont acceptables financièrement et que la rencontre peut s’organiser chez moi, je remettrai mon titre en jeu ! Donc je reste sur la brèche…

Après, je devrai lever le pied, mais j’ai besoin de la boxe pour mon équilibre. Elle me donne une hygiène et un rythme de vie, elle canalise mon trop-plein d’agressivité. Elle m’a permis d’éviter de déraper à certains moments et de construire ma vie. D’un autre côté, il faut être vigilant, le suivi « après boxe » est quasi inexistant et beaucoup de boxeurs finissent mal, notamment dans la boxe anglaise professionnelle. Ils rencontrent des problèmes de reconversion, d’argent, d’addictions, de violence, mais aussi familiaux, neurologiques, physiologiques, voire psychiatriques. La boxe est un sport difficile, comme d’autres lorsqu’on flirte avec les limites, mais avec la particularité de donner et de prendre des coups, de se sentir un jour le plus fort et le lendemain un moins que rien… D’être adulé au sommet de son art et ignoré à l’arrêt de sa carrière… »

 

  Christophe Vidoni en bref  

• 63 combats, 59 victoires dont 33 par KO, 4 défaites (toutes disciplines confondues).

• Champion du monde de kick-boxing super légers professionnel en 2014.

• Champion de France de savate boxe française en 2011, 2010 et 2001.

• Vice-champion de France en full contact pro en 2007.

• Champion Midi-Pyrénées de boxe anglaise amateur en 2007.

• Champion de France de kick-boxing professionnel en 2002.

Côté ski : « Ma mère est pyrénéenne, alors j’ai skié dès tout jeune en ski-club et fait des compétitions au niveau régional. A 17 ans, je me suis lancé dans le cursus de formation et j’ai été diplômé en 1994. Le lien entre le ski et la boxe est la compétition, et aussi une gestion fine de l’équilibration. J’ai toujours aimé le défi physique et me confronter aux autres. La boxe m’apporte la patience et le calme nécessaires à l’enseignement du ski. J’aime être avec des gens qui sont demandeurs et à l’écoute de ce qu’on va leur apporter. Par ailleurs, j’adore la montagne, été comme hiver. »

Jean-Louis Vidal, directeur de l’ESF de Piau-Engaly : « Je félicite Christophe, moniteur depuis de nombreuses années dans notre école, pour son titre de champion du monde. Il s'est entraîné durant deux ans tous les jours, après les cours de ski, en rando, puis en salle à 1850 mètres, il n'a rien lâché ! C'est quelqu'un de très attachant, humble, calme et facile à vivre, avec une clientèle fidèle, un très bon professionnel qui aime son métier. Nous sommes fiers d'avoir un tel champion parmi nous. »

 

  Décryptage 

Kick-boxing : sport de combat utilisant les techniques de jambe (coups de pied) portés aux trois niveaux (tête, buste, jambes) et les techniques de bras (coups de poing). A l’entraînement, les boxeurs se protègent avec doubles protège-tibias, gros gants et bandages épais, casque si besoin. En combat, seuls la coquille et le protège-dents sont autorisés. Les mains sont entourées uniquement de bandages durs sous des gants de 8, l’épaisseur minimale.

Full contact : boxe pied-poing où les frappes en jambes doivent être en dessous de la ceinture.

Savate boxe française : sport de combat utilisant les frappes pied/poing mais dans lequel les coups de tibia sont interdits, contrairement au kick-boxing.

• Boxe anglaise : sport de combat utilisant uniquement les techniques de bras.

Dans ces quatre sports, la victoire peut être obtenue aux points ou par KO.

 

Propos recueillis par Claudine Emonet-Profit

Photos Coll. Vidoni