Accueil  >  Actualités   >   Interview  >   Marie-Noëlle Battistel | “D’importants défis à relever”

Marie-Noëlle Battistel | “D’importants défis à relever”

Marie-Noëlle Battistel “D’importants défis à relever”

Numéro 112

Présidente de l'Association nationale des élus de montagne depuis octobre dernier, Marie-Noëlle Battistel continue, plus que jamais, d’œuvrer pour le développement de la montagne, une entité chère à son cœur.

 

Pouvez-vous nous rappeler les missions de l’ANEM ? 

Les élus de montagne ont souhaité dès 1984 se rassembler et travailler de manière solidaire pour défendre au mieux les intérêts des habitants et des territoires de montagne. De cette union “sacrée”, sont nés de nombreux textes législatifs et d’autres ont profondément évolué pour tenir compte de nos réalités. Avec 25 % du territoire français, sur lequel vivent 5 millions d’habitants en métropole et 1,3 millions outre-mer, avec des activités économiques, touristiques, agricoles, des spécificités environnementales qui rayonnent pour tout le pays, la montagne et ses acteurs doivent se faire entendre. Nous souhaitons également jouer un rôle pour un développement plus équilibré et durable de chacun des massifs français, qui partagent souvent les mêmes problématiques. Nous essayons d’écouter, fédérer et peser, en bons montagnards, aux plus hauts sommets de l’État.

 

Le fait de laisser de côté les étiquettes politiques pour œuvrer en faveur de la montagne est-il l'une des forces de l'ANEM ? 

Oui, j'en suis convaincue. Nous ne défendons à l’ANEM que le parti de la montagne. Il ne s’agit pas de gommer sa sensibilité mais, au contraire, de toujours chercher le compromis au service des intérêts des territoires dont nous sommes élus. Dans cette période difficile, qui marque un certain rejet de la classe politique, je crois plus que jamais nécessaire de prendre de la hauteur et de revenir aux fondamentaux. Beaucoup cherchent le clivage pour exister, nous, nous travaillons pour l’union autour des enjeux du quotidien. Notre comité directeur représente tous les massifs, tous les niveaux de collectivités et toutes les sensibilités. Les fonctions de président et de secrétaire général sont exercées par des parlementaires issus alternativement de droite et de gauche et font l’objet d’une alternance politique tous les deux ans. Cette gouvernance atypique est exceptionnelle dans la République. Seuls les montagnards ont su et pu se doter d’un tel fonctionnement, et je crois que la puissance dont on la crédite notamment au Parlement n’est pas étrangère à cette unité profonde. On va à l’ANEM pour la servir, et pas pour s’en servir.

 

Quels bénéfices pour les stations de sports d'hiver espérez-vous de l’acte II de la loi montagne, adopté par l’Assemblée nationale le 18 octobre dernier ? 

Le projet de loi contient, je crois, des avancées importantes pour nos stations et ceux qui les font vivre. La problématique du logement pour les saisonniers et les touristes a été évidemment traitée. Ainsi, les conditions d’accès au logement des saisonniers, piliers de l’économie touristique, sont facilitées. Les communes touristiques seront tenues de conclure une convention avec les acteurs locaux définissant sur les trois prochaines années les objectifs et les moyens mis en œuvre en la matière. Les bailleurs sociaux pourront également sous-louer des logements vacants à des travailleurs saisonniers pour une durée inférieure à six mois. La loi assouplit le dispositif des opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisirs (ORIL) en permettant aux acteurs publics d’accorder des subventions aux propriétaires qui s’engagent à acquérir et réhabiliter des lots de copropriétés contigus. L’objectif est d’encourager l’agrandissement des appartements en station, trop petits et qui ne répondent plus aux demandes de la clientèle. Les stations classées (ou en cours de classement) pourront conserver leur office de tourisme au niveau communal. Cette disposition a été un combat fort de l’ANEM et un point dur pendant le débat législatif. Nous nous en félicitons car les stations pourront ainsi conserver leur notoriété et leur identité touristique qui contribuent largement à l'attractivité de nos territoires de montagne. Enfin, face aux modes de consommation qui évoluent, il faut s’adapter rapidement aux attentes des clients, notamment concernant le type et la localisation des remontées mécaniques. La loi, en modifiant la procédure des unités touristiques nouvelles, a permis de concilier à la fois réactivité dans la construction des infrastructures et nécessité d’organiser et planifier le développement dans des documents d’urbanisme. Il s’agit d’être réactif et de permettre le développement dans le respect de l’environnement. La question de l’impatience a également était traitée : il n’est plus acceptable que la couverture numérique soit défaillante dans nombre de secteurs de montagne, ce qui créé une inégalité entre les citoyens et peut entraver des projets de développement. Malgré tout, il faut rester vigilant et maintenir la pression pour que les opérateurs tiennent parole.

 

Quels objectifs vous êtes-vous fixés au cours de votre mandat ? 

D’abord, m’assurer de l’adoption et de la concrétisation de ce texte fondamental pour la montagne. On peut écrire de belles et grandes lois, elles ne servent à rien si elles ne sont pas appliquées… Nous allons également travailler sur d'autres textes généraux dont l’application est quelquefois inadaptée à nos zones montagnardes. J'ai proposé la mise en place de comités de travail au sein de l'ANEM, notamment sur le suivi de la couverture numérique qui doit être accélérée, et sur le transfert de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités. Et début 2017, nous allons mettre en place un service de formation des élus de la montagne.

 

Les stations ont évolué dans la recherche de nouvelles activités pour compléter l'offre ski. Cette dernière a-t-elle encore de l'avenir ? 

Le ski a été le pilier du développement de nos territoires. Il est, et restera, une activité phare des sports d’hiver et un moteur formidable de l’économie touristique. Nous avons en France de superbes atouts, un enseignement réputé et reconnu, le plus vaste domaine skiable du monde, et beaucoup sont très attirées par la qualité de nos infrastructures, notre accueil et notre formation sportive et de loisir. Le ski est, pour toutes les générations, un loisir, un plaisir, une passion… Comment pourrait-il ne pas avoir d’avenir ? Mais l’enthousiasme ne doit pas nous empêcher d’être lucides. Le changement climatique et ses conséquences en termes d’enneigement nous poussent forcément à évoluer. Les stations doivent être créatives pour rester compétitives. Elles ont diversifié leurs offres, travaillé sur la pluri-saisonnalité, investi fortement. Les moniteurs ont aussi permis cette nouvelle donne. Cet effort porte aujourd’hui ses fruits, il faudra évidemment continuer à travailler en ce sens.

 

Le changement climatique entraîne une réflexion sur l'aménagement de la montagne. Quel est votre point de vue sur cette question ? 

La montagne doit évidemment s'adapter et elle le fait déjà très bien. Je crois à notre capacité à poursuivre son développement dans le respect de notre environnement. Un nouveau regard sur la montagne a émergé, depuis que le concept de développement durable s’est imposé dans le débat public mais surtout avec la prise de conscience du changement climatique dont la montagne et le littoral sont les premiers à subir les effets. Nous, montagnards, devons être les premiers militants et les acteurs les plus engagés d’une nouvelle donne environnementale. Le chantier est immense et transversal. Nous sommes tous acteurs et chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Il en va de notre avenir à tous.

 

Quel regard portez-vous sur la profession de moniteur de ski ? 

C’est un métier que je connais plutôt bien et que je sais à la fois difficile et merveilleux. J’ai été moi-même monitrice fédérale et l’un de mes fils est devenu moniteur national. Il a d’ailleurs choisi de partager sa vie avec une monitrice ! Mes petites-filles sont de vraies flèches et ont déjà la fibre ! Plus sérieusement, ce métier très exigeant et passionnant est l’un des piliers de nos stations. Enseigner la technique, inculquer le respect des règles de sécurité, c’est évidemment la base du métier mais cela ne peut s’envisager sans la volonté de transmettre aussi la passion et de susciter du plaisir. Je crois que les moniteurs ont également un rôle important à jouer dans la transmission des valeurs de nos sports : le goût de l’effort, le dépassement de soi, le respect des autres et de la montagne, la solidarité et l’humilité.

 

Quels conseils leur donneriez-vous pour aborder la prochaine décennie ? 

Tout schuss ! Nous sommes en pleine transition et des défis importants sont à relever : s’adapter au changement climatique, impulser le changement des pratiques, réussir la révolution digitale de la montagne, garantir les droits des saisonniers, accueillir de nouveaux publics, défendre une montagne à vivre… Personne n’y arrivera seul. Les moniteurs sont l’un des maillons importants de cette chaîne et leur rôle de transmission est essentiel. Leur métier va continuer d’évoluer. Je sais qu’ils impulsent le changement plutôt que de le subir. Nous mesurons le travail engagé en direction des publics en situation de handicap, nous voyons la technologie avancer, les applications électroniques se multiplier et la pédagogie rester le moteur… Le moniteur de 2025 ne sera plus tout à fait ce qu’il était hier, mais il transmettra toujours sa passion de la montagne.

 

Vous-même, skiez-vous toujours ?

Oui, et toujours avec grand plaisir. J’ai la chance d’avoir sur la circonscription dont je suis élue dix-neuf stations. J’ai eu le plaisir d’inviter plusieurs fois des députés à chausser les skis, et même d’organiser une compétition entre eux. Et comme chaque fin de saison, je viendrai au Challenge des moniteurs. Ce sera l’occasion de croiser de nombreux amis parmi les « pulls rouges »… et peut-être de faire une descente ou deux !


 Marie-Noëlle Battistel en bref  

• 60 ans. Mariée, trois enfants.

• Secrétaire générale de l’ANEM de 2014 à 2016, présidente depuis octobre 2016 (succède à Laurent Wauquiez).

• Députée de l’Isère (4e circonscription) depuis 2010.

• Maire de La-Salle-en-Beaumont depuis 1998.

• Membre de plusieurs commissions permanentes à l’Assemblée nationale, dont celle des affaires économiques.

• Membre du Conseil national pour le développement, l'aménagement et la protection de la montagne.

+ d’infos : marienoelle-battistel.fr

 

Propos recueillis par Anne Nguyen-Carrier

Illustration Anne-Lise Schaeffer