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Moniteur - entraîneur | Regards croisés sur la méthode

Moniteur - entraîneur Regards croisés sur la méthode

Numéro 125

Nous avons réuni Fabien Saguez (DTN de la Fédération française de ski), David Chastan (directeur des équipes de France masculines de ski alpin), Stéphane Deloche (président de la commission technique du SNMSF) et Nicolas Sauvage (professeur-maître à l’École nationale de ski et d’alpinisme) afin d’échanger sur la méthode française d’enseignement du ski alpin. « Une méthode unique qui se décline à tous les niveaux », rappelle Eric Gravier, directeur technique du SNMSF, qui n’a pu participer à cette rencontre pour des raisons d’agenda mais nous livre son point de vue, en complément de celui des quatre autres experts. À lire avec la plus grande attention !

 

 L’analyse d’Eric Gravier 

Eric GravierY a-t-il un débat sur le sujet de la méthode ?

Il n’y a pas lieu d’y en avoir. Une seule méthode est dispensée lors de la formation initiale à l’ENSA : celle du Mémento, qui débute par le débutant pour aller jusqu’au plus haut niveau. Cette méthode est définie par la section permanente du Conseil supérieur des sports de montagne, au sein duquel siègent la FFS, le SNMSF et l’ENSA. Tous les acteurs se concertent autour des évolutions à apporter lorsqu’un nouveau Mémento doit paraître. Au-delà, nous échangeons régulièrement sur les évolutions techniques, matérielles ou autres. Le moniteur qui sort diplômé de l’ENSA dispose de l’ensemble des prérogatives lui permettant d’enseigner à un débutant et de le faire progresser jusqu’au plus haut niveau. Il est important de réaffirmer notre position unanime sur cette méthode unique.

 

Vous vous appuyez sur une expérience professionnelle riche : coureur, puis moniteur, professeur à l’ENSA, directeur ESF (Les 2 Alpes), avant de devenir directeur technique du SNMSF…

J’ai en effet été compétiteur (en équipe de France universitaire, puis vainqueur du Challenge des moniteurs un peu plus tard, en 2000, ndlr), puis j’ai passé mon diplôme de moniteur à l’École nationale où j’ai appris cette méthode pour enseigner. Dans cette perspective, il convient de revoir certains aspects, notamment au niveau de la technique, qui peuvent paraître évidents lorsque l’on pratique au quotidien, mais qu’il faut savoir expliquer. La partie pédagogie – apprendre à apprendre – est essentielle dans notre métier. J’ai ensuite été professeur à l’ENSA, où l’on approfondit l’enseignement aux élèves à dispenser aux futurs moniteurs. Le manuel de référence reste toujours le Mémento, dont les fondamentaux s’appliquent du débutant jusqu’au plus haut niveau ; même si en compétition, la pratique s’effectue dans la recherche de la performance,

 

Où se situe la différence entre un moniteur et un entraîneur, s’il y en a une ?

L’approche de l’entraînement est plus spécifique, mais le travail ne change pas. Ce qui diffère, c’est que l’entraîneur a poussé sa spécialisation sur la partie entraînement et recherche de performance, et qu’il suit des athlètes sur un plus long terme avec un enseignement approfondi. Il va plus loin sur certains aspects de l’engagement avec ses élèves, avec des objectifs sportifs et de préparation plus marqués. Mais un entraîneur est avant tout un moniteur, et même s’il n’est plus dans l’apprentissage technique destiné à évoluer dans l’ensemble du milieu, son rôle est le même. Qu’il s’agisse d’un entraîneur avec son athlète ou d’un moniteur avec son élève, l’attention, la partie technique et pédagogique sont présentes, et l’approche de l’enseignement reste le même.

 

Pourquoi ressent-on parfois comme un antagonisme entre les deux ?

De telles querelles sont inutiles. Les moniteurs entraîneurs font partie du collectif d’une école de ski, et sont détachés pour exercer leur métier auprès de ski-clubs, d’équipes régionales, voire de l’équipe de France. Ils restent intégrés au même titre que les autres moniteurs dans nos ESF, même s’ils sont amenés à travailler hors de la station. Ils se sont axés sur la partie compétition du métier, mais tout le reste demeure et perdure. Dans le cadre de la formation à l’ENSA, l’UF « Pratiques compétitives » est déléguée à la FFS. Cette partie est aussi développée dans le Mémento, il existe ensuite des formations continues complémentaires, comme celles que nous proposons à Val-Thorens, pour les moniteurs qui souhaitent approfondir leurs connaissances dans le domaine particulier de l’entraînement et du haut niveau. Nous devons être fiers d’avoir dans nos rangs des moniteurs ainsi spécialisés.

 

 Quatre experts, un même regard 

Comment coopèrent l’ENSA, la FFS et le SNMSF en matière de formation ?

Nicolas SauvageNicolas Sauvage : Nous avons une organisation spécifique en France, basée sur un diplôme d’État et une école d’État. La formation de moniteur donne l’ensemble des prérogatives. Dans ce système tripartite, des actions de formation professionnelle sont mises en place par la FFS, d’autres par le SNMSF. Le Conseil national des sports de montagne nous permet d’échanger au sein d’une instance consultative officielle sur la formation initiale ou les formations spécialisées sur le haut niveau.

Fabien Saguez : Notre réponse sur ce sujet est très claire. En matière de formation, il existe un seul document de référence : le Mémento de l’enseignement du ski alpin.

Stéphane Deloche : Ce manuel de référence est conçu conjointement par la FFS, l’ENSA et le SNMSF, avec l’aval du ministère des Sports. L’édito de Bruno Béthune (inspecteur général de la jeunesse et des sports, ndlr) donne sens à ce document, qui explique que cette méthode française d’enseignement doit être utilisée dans toutes les formations initiales et complémentaires, pour les moniteurs de ski professionnels et les moniteurs bénévoles de la FFS. Lorsque la FFS intervient au sein de la formation des moniteurs professionnels dans le cadre de l’unité de formation « Pratiques compétitives », nous nous assurons bien qu’on fasse passer le message de la connaissance du milieu au travers du Mémento. Mais nous pouvons travailler encore mieux ensemble.

Fabien Saguez : Pour travailler des contenus sur le thème de l’entraînement, nous pourrions tout à fait monter un groupe ad hoc ensemble et mettre des spécialistes de l’entraînement à disposition afin que vous puissiez traduire ces contenus dans le cadre du Memento. Nous pouvons mener certaines actions de formation de concert pour une meilleure efficacité.

 

Quelle est la place du diplôme d’État de ski - moniteur national de ski alpin spécialisé en entraînement (ancien BE2) ?

David ChastanDavid Chastan : Ce diplôme n’est pas obligatoire pour être entraîneur au sein de la FFS. Peut-être l’exigera-t-on un jour, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Les termes ont changé mais le système reste le même : la vraie base, c’est le diplôme d’État de moniteur de ski alpin.

Stéphane Deloche : Ce diplôme complémentaire n’a effectivement aucun caractère obligatoire, car l’entraînement fait partie des prérogatives du moniteur national. Chacun peut ensuite s’approprier des connaissances et des compétences au sein de ces formations, mais aussi dans les formations continues que proposent le SNMSF et la FFS. Les deux structures sont intimement liées, puisque la plupart des jeunes en formation qui arrivent dans les ESF sont issus des clubs, donc du système fédéral. Les clubs ESF forment également des moniteurs. Ce sont plusieurs maillons d’une même chaîne, pour ne laisser personne au bord de la route et donner l’opportunité à tous ces skieurs d’aller au plus haut niveau de leurs possibilités. Je suis très content quand je vois que les moniteurs mis à la disposition des clubs locaux viennent faire des descentes aux flambeaux, sans y être obligés, uniquement par plaisir. Et, en contrepartie, quand les moniteurs vont bénévolement donner un coup de main sur les courses organisées par les clubs. C’est du bon sens de travailler tous ensemble.

 

Le Skiopen Coq d’or en est une bonne illustration…

Stéphane DelocheStéphane Deloche : Oui. À l’origine, cette compétition a été créée pour faire le lien entre tout ce que pouvaient faire les écoles de ski dans le domaine de la compétition, en y associant le monde fédéral. C’est un excellent événement qui permet de valoriser les compétiteurs issus de l’ESF – même si ce sont souvent les jeunes des clubs FFS qui trustent les podiums –, et de montrer que nous sommes tous unis autour d’un événement. C’est une très bonne chose.

Fabien Saguez : Le Coq d’or est une course vraiment très appréciée, où les parents sont pleinement associés à la fête. Les jeunes qui ont la chance de participer aux pré-qualifications, aux qualifications et aux finales vivent quatre jours de compétition magnifiques. Pendant cette semaine, il n’y a aucun clivage, on ne voit pas la différence entre un jeune issu de la filière Club ESF et un autre issu d’un club FFS.

Stéphane Deloche : On retrouve un autre événement dans cet esprit : la Coupe de la Fédération, où l’on est capable de faire remonter des jeunes des groupes Grand Prix, à partir de la catégorie U16. Il y a d’ailleurs un très bon niveau puisqu’un skieur tel que Nicolas Deléglise l’a remportée, lui qui est aujourd’hui ouvreur Eurotest et professeur à l’ENSA. Idem pour le Nordic Skiercross, au sein duquel nous avons décidé d’inclure une épreuve autour du saut, en lien avec les besoins exprimés par la FFS. Que les événements soient organisés par l’ESF ou la FFS, le but est d’aller chercher les champions de demain…

 

Quel statut peut être envisagé, au sein des ESF, pour les entraîneurs qui travaillent ou ont travaillé pour les équipes de France ?

Fabien SaguezStéphane Deloche : Nous avons abordé ce sujet au comité directeur. Depuis longtemps, les professeurs de l’ENSA qui arrêtent leur activité au sein de l’école nationale retrouvent leurs acquis dans leur école de ski, qu’il s’agisse de leur place au tableau ou de leur retenue. Nous allons essayer de mettre ce système en place aussi pour les entraîneurs des groupes fédéraux, car je suis convaincu qu’ils apportent une valeur ajoutée pour nos écoles de ski.

David Chastan : Nous aimerions qu’il soit possible d’harmoniser les choses entre toutes les ESF, car selon les écoles de ski, les entraîneurs n’ont pas la même retenue ni le même statut. Il est difficile de trouver des entraîneurs aujourd’hui – c’est un travail qui dure toute l’année, avec beaucoup de déplacements et qui ne permet pas de travailler à côté. Ils le font par passion, mais la passion ne fait pas vivre. Et il ne faut pas qu’ils se sentent lésés le jour où ils souhaitent retourner enseigner dans une ESF.

Fabien Saguez : Une préconisation nationale serait la bienvenue, même sous forme d’un gentleman agreement, pour que les situations soient les mêmes dans toutes les ESF.

Stéphane Deloche : La vie à la FFS n’est pas éternelle, et le jour où les entraîneurs reviennent dans nos écoles, ils nous apportent une expérience du haut niveau. Pour ceux qui sont encore en activité, il faut que leur pourcentage de cotisation soit minime et partout le même. En ce qui concerne les entraîneurs des comités et des clubs, la tâche est plus complexe en raison des nombreux statuts et contextes différents.


 Le point de vue des athlètes 

Tous deux ont en commun une carrière au plus haut niveau après avoir été révélés, tout jeunes, par les compétitions ESF (l’Étoile d’or pour la première, le Skiopen Coq d’or pour le second). Marie Marchand-Arvier et Gauthier de Tessières nous parlent de leur attachement aux moniteurs et à l’ESF, soutiens fidèles et indéfectibles des équipes de France.

 

Marie Marchand-ArvierMarie Marchand-Arvier

« Venant de la région de Nancy, j’ai commencé à skier comme une petite touriste. J’ai gravi les échelons des étoiles à l’ESF des Contamines-Montjoie, où mes parents ont été très bien accueillis, à tel point qu’ils ont acheté une résidence secondaire dans la station ! J’ai ensuite été au stage compétition avec mes frères, ça me tirait vers le haut. Quand je suis entrée au ski-études, j’ai rejoint un club de la FFS. Il y avait forcément un décalage avec mes copains qui avaient vécu toute leur vie en montagne, mais au niveau de la technique du ski, c’était similaire. C’est la grande force de l’ESF de regrouper des professionnels de qualité, aux compétences techniques exceptionnelles. On sent que les moniteurs et les entraîneurs ont la même formation, même s’ils n’ont pas tous la même expérience. »

 

Gauthier de TessièresGauthier de Tessières

« J’ai suivi tout le cycle de l’ESF avec des moniteurs de L’Alpe d’Huez. J’ai eu la chance de tomber sur des moniteurs charismatiques tout au long de mon parcours, qui m’ont fait aimer le ski. Il n’y avait pas de pré-club, donc je suis allé au stage compétition très jeune. Là aussi, j’ai eu de super moniteurs, comme Philippe David, quelqu’un de passionné et généreux, avec une équipe géniale. J’ai adoré cet esprit, où on aimait le racing mais aussi aller sauter des bosses et s’amuser. C’est là où j’ai attrapé le virus du ski. J’ai intégré le club des sports en 1994, l’année du premier Coq d’or. La façon de faire n’était pas tout à fait la même, mais je comprenais tout parce que mes entraîneurs parlaient le même langage que les moniteurs que j’avais eus jusque-là. »

 

Propos recueillis par Hugo Richermoz

Photos Agence Zoom