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Technique | Silence, on tourne !

Technique Silence, on tourne !

Numéro 107

Nul n’ignore l’importance des mécanismes de pivotement dans la méthode française d’enseignement du ski alpin. Une petite revue de détail dans les différentes classes, avant d’accueillir à nouveau nos élèves sur les pistes, ne peut qu’être bénéfique !

 

A partir du début des années 2000, l’apparition des skis paraboliques et des skis courts a amené évidemment des techniques nouvelles avec leurs avantages, mais également leurs inconvénients… souvent liés au fait que les domaines skiables sont préparés à merveille (l’effet « billard »).

Avantages : les skis tournent tout seuls, ou presque. Du moins, « en les mettant sur l’angle, ils taillent »… sauf qu’il s’agit de contrôler sa trajectoire et sa vitesse pour devenir un skieur sûr, efficace et, espérons encore, élégant !

Inconvénients : ce matériel et ces terrains plus faciles diminuent le répertoire technique du skieur. En effet, les efforts pour faire tourner les skis ne sont plus aussi importants qu’avant. Nous retrouvons d’ailleurs souvent de jeunes skieurs au profil très stéréotypé, ne sachant que faire couper leurs skis… Pour cela, le seul moyen restant important est de savoir faire pivoter ses skis, les « mettre en travers », les faire déraper et doser ses pivotements.

Nous abordons ci-dessous les principaux mécanismes de pivotement au fil de la progression, bien ancrés dans notre culture de l’enseignement du ski et essentiels.

 


 

 LA ROTATION EN CLASSES DÉBUTANT ET 1 

Elle convient bien à ces élèves ayant très peu de vécu et sont naturellement dans des attitudes monobloc et figées. Orienter le regard des élèves facilite grandement la rotation du corps.


> Astuce péda : Pour développer le mécanisme de rotation, l’élève peut s’aider d’un cerceau pour faire comme s’il tenait le volant d’une voiture.

 

N.B. Dans un virage chasse-neige, le pivotement est créé par la convergence des skis et la rotation du corps. Vouloir charger le ski extérieur (avec de l’angulation) nous semble compliqué pour les élèves à ce stade de la progression (peur de s’engager dans la pente, difficulté à ressentir les appuis, coordination très globale). De plus, cette angulation favorise une prise d’angle du ski induisant un effet directionnel coupé subi, alors que l’objectif est de faire pivoter le ski pour sortir de la ligne de pente et ainsi, que l’élève puisse contrôler sa vitesse. L’éducatif de « l’avion » ne fait pas vraiment partie de notre méthode française mais plutôt de celle de nos « opposants techniques » historiques…

 


 

 L’EXTENSION PIVOTÉE EN CLASSE 2 

A la rotation vue précédemment, nous ajoutons du mouvement vertical dans le sens du virage. Le pivotement est plus contrôlé, favorisé par l’extension au déclenchement et amélioré en conduite par la descente en flexion. Bon nombre de situations existent pour développer ce mécanisme, l’objectif premier étant de provoquer un allègement des skis au déclenchement du virage pour les faire pivoter. Ce mécanisme de base est le virage clé de la progression et le pilier majeur des virages en hors-piste.

 

> Astuce péda : En neige poudreuse, lourde ou encore croûtée, il sera essentiel de développer un mouvement vertical actif pour dégager les skis de la neige et provoquer l’allègement nécessaire au pivotement. L’élève peut par exemple réaliser un enchaînement de virages de base en faisant des petits sauts successifs. Nous pouvons lui proposer la même situation en bordure de piste, puis en neige poudreuse.

Il lui faudra naturellement augmenter l’amplitude et la vitesse de son mouvement vertical s’il souhaite tourner.

 

N.B. Le redressement orienté, bien qu’identifié comme mécanisme de pilotage dans le Mémento 2006, s’apparente à l’extension pivotée. La différence est de créer un appui au déclenchement au lieu de chercher un allègement. On obtiendra moins de pivotement, donc du pilotage (vers un effet directionnel coupé).

 

Ce mécanisme est souvent mal compris ou ressenti, en particulier chez les jeunes skieurs qui n’ont bien souvent développé que des techniques augmentant l’angle du ski avec la neige pour tourner. Il conviendra de proposer à nos élèves des situations permettant de développer l’indépendance de jambes et les transferts d’appuis actifs.

 

> Astuce péda : Le pas tournant vers l’aval est une situation qui développe les éléments précités car il combine une prise d’appui, par augmentation de l’angle du ski avec la neige, avec un redressement de la jambe d’appui. Cette situation convient en particulier si elle est effectuée avec dynamisme et sur un terrain peu pentu.

 

 

 

 

 

 

 


 

 LE BRAQUAGE EN FIN DE CLASSE 2 

Essentiel, il permet un contrôle du pivotement par la dissociation du haut du corps avec le bas. Ce sont les premières notions de dissociation de la progression. Ici encore, l’orientation du regard est fondamentale : d’une part elle guide l’action, d’autre part elle participe à la dissociation de la tête avec le haut du corps. Ce mécanisme est très riche car non seulement il est très sécuritaire (freinage d’urgence, dérapage en pente raide, contrôle de la vitesse en passage étroit…) mais il permet également d’accéder aux niveaux techniques supérieurs.

 

> Astuce péda : Sur neige compacte, demander à l’élève d’écarter les pieds favorisera une attitude basse lui permettant de libérer les articulations basses (genoux et hanches notamment) et de stabiliser la rotation du bassin.

 

 


 

 LE VISSAGE EN CLASSE 3 

Même s’il est peu utilisé, ce mécanisme n’en reste pas moins efficace dans certaines situations. Il est effectué par une opposition du haut du corps avec le bas du corps.

 

> Astuce péda : Dans une attitude haute, les pieds serrés, demander à l’élève de faire pivoter rapidement ses pieds sous le corps en opposant le haut et le bas du corps.

 

N.B. Un faible écart des pieds facilite les pivotements et la rapidité des changements de carres mais limite la prise d’angle. Inversement, un écart important permet une meilleure équilibration latérale, une prise d’angle plus importante mais peut également limiter l’amplitude du mouvement vertical. Le plus simple est de proposer aux élèves d’expérimenter toutes les possibilités !

 


 

 

LE RETOUR D’ANGULATION EN CLASSES 3 ET 4 

Consécutif à une prise d’appui et lié le plus souvent à une dissociation du haut et du bas du corps combinée à une angulation, ce mécanisme permet un meilleur contrôle du pivotement des skis. Nous pourrions dire qu’il est le petit-fils du retour de vissage… Ici, le pivotement ou le pilotage des skis est obtenu à la suite d’une réaction d’appui associée à une dissociation entre le haut et le bas du corps.


> Astuce péda : Le virage sauté est un moyen de développer ce mécanisme. Sur une distance donnée, nous pouvons par exemple demander à l’élève de réaliser le maximum de virages. Cette situation l’aidera à coordonner la prise d’appui avec la phase de relâchement produisant le pivotement des skis.


 

Depuis sa naissance, la méthode française de l’enseignement du ski alpin connaît une réelle identité, reconnue à travers le monde. Bien sûr, le matériel et la préparation des pistes font évoluer les techniques, mais les fondamentaux restent intemporels. Aussi, soyons vigilants, nous moniteurs, à bien transmettre l’ensemble de la richesse de notre fabuleux sport.

 

Emmanuel Marchand-Arvier (ENSA)

Photos ENSA/ZOOM