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Technique | Le virage moniteur

Technique Le virage moniteur

Numéro 100

Dans le cadre du nouveau Diplôme d’Etat de ski alpin, l’ENSA a souhaité mettre l’accent, d’un point de vue technique, sur la qualité de démonstration et le style. Des aspects que les stagiaires devront travailler lorsqu’ils seront en formation dans les écoles de ski, en s’appuyant sur le virage moniteur.

 

Lors de l’écriture du Mémento 2006, la classe 4 incluait le virage et la godille experts. Ces démonstrations très typées compétition, recherchant en permanence l’effet directionnel coupé, ont engendré des gestuelles variées, avec des inclinaisons importantes sur des pentes peu soutenues. Elles privilégiaient la performance mais pas forcément l’esthétisme. Au sein de la classe 3, le virage perfectionné, réalisé principalement en effet directionnel dérapé perfectionné, ne pouvait pour sa part être représentatif d’un niveau de réalisation élevé. Le nouveau Diplôme d’Etat de ski alpin 2012 fut donc l’occasion de mettre en place un virage spécifique de classe 4 représentant au mieux l’image et l’esthétisme du moniteur de ski. Son nom s’est imposé tout naturellement : le virage expert moniteur.

 

  Silhouette 

La démonstration de ce virage représente le niveau de compétences attendu chez un moniteur de ski. Il dégage des notions d’esthétisme, de fluidité, de rythme, d’adaptation au terrain et d’économie d’énergie. Il symbolise toute l’image d’un moniteur de ski alpin, alliant la beauté du geste à l’efficacité de l’action, pouvant enchaîner ce virage sur des distances importantes sans perte de contrôle ni difficulté face aux réactions du matériel, et sans fatigue importante liée aux contraintes d’un virage coupé extrême. La silhouette alliera une répartition homogène des flexions à une sobriété du haut du corps. Le skieur est en attitude d’anticipation dans la phase de déclenchement. L’écart des pieds reste naturel et offre une image générale moderne mais non caricaturale. En effet, certains types de virages experts amenaient l’enseignant à une démonstration extrême. Certains étant alors mis en difficulté par le matériel parfois difficile à gérer face à des prises de carres fortes ou des mises sous pression importantes. Sans oublier que ce genre de démonstration n’avait évidemment que peu de sens pédagogique pour nos élèves au sein des écoles de ski…

 

 

  Eléments techniques 

• Le déclenchement 

On retrouve un changement de carres progressif et modéré à travers un transfert d’appui volontaire par redressement orienté. On y ajoute la coordination de l’appui bâton. Le redressement orienté est une action motrice de pilotage, visant un effet directionnel coupé. Il s’agit d’un redressement sur la future jambe extérieure au virage, associé à une manœuvre de carres permettant une inversion d’inclinaison.

• La conduite

A partir du franchissement de la ligne de pente, on étale les pressions en combinant la descente en flexion progressive et l’augmentation d’angle de prise de carres. Dans cette phase, on privilégie l’effet directionnel coupé à travers la justesse des équilibrations latérales et longitudinales.

 

 Enseignement en classe 4 

Le virage moniteur permettra d’enrichir le bagage technique des élèves atteignant la classe 4, pour lesquels un virage expert utilisant un effet directionnel coupé très marqué était souvent un rêve inaccessible. Cela les conduisait à des situations parfois frustrantes où leur évolution technique semblait stoppée. Nul doute que de nombreux moniteurs avaient déjà entamé cette réorientation d’un virage typé compétition vers un virage plus adapté à l’enseignement. Cela permettra d’envisager un travail sur la progressivité des effets directionnels et une adaptation de nos exigences. Évidemment, un élève n’effectuera pas le même virage suivant une pente raide ou non, sur une neige facile ou au contraire très exigeante. La prise de carres s’en trouvera affectée ainsi que, par voie de conséquence, les pressions exercées sur les skis. C’est là tout l’intérêt de ce virage qui sait prendre en considération ces facteurs et donnera à nos élèves une marge de manœuvre dans leur vitesse de déclenchement, la progressivité de leur pilotage ou encore leur capacité à utiliser l’effet directionnel coupé tout le long du virage.

 

Cette possibilité de progressivité et d’adaptation amène à la mise en place d’une gestuelle très significative du ski moderne : le redressement orienté. Ce mouvement, qui permet un changement de carres et un transfert d’appui progressifs, offre une découverte de l’inversion d’inclinaison et du pilotage des skis, de manière efficace avec une anticipation du corps vers l’aval. Il permet une efficacité dans le virage tout en privilégiant l’économie d’énergie, contrairement à des types de déclenchement beaucoup plus exigeants dans des virages typés compétition. Cette gestuelle peut être découverte très tôt dans la progression mais semblait difficile à emmener jusqu’à la classe 4 par le biais de virages inaccessibles. Le virage moniteur essaie de corriger ce vide dans l’enchaînement de notre enseignement.

 

  Pour les stagiaires 

Il est tout naturel que le virage moniteur s’impose comme une référence d’évaluation pour les stagiaires. Durant leur cursus, ils seront plusieurs fois jugés sur leurs performances en ski (test technique, Eurotest, descente libre, slalom en petits piquets…). Mais la capacité de démonstration et d’esthétisme doit rester au centre de nos enseignements puisqu’elle est un des piliers de notre message en direction des élèves des écoles de ski. Les stagiaires moniteurs découvriront ce virage lors du cycle préparatoire et seront évalués pendant le premier cycle et le cycle final. Ils seront jugés sur les critères techniques et de silhouette précédemment cités et devront adapter leur vitesse aux conditions. La démonstration s’effectue sur une neige damée dure mais pas glacée, et sur une piste rouge. Son dénivelé minimum est de 80 mètres, le départ et l’arrivée étant bien identifiés.

 

Nous espérons que ce virage pourra remplir un vide qui avait pu se creuser entre une classe 3 pleine d’évolutions techniques et une classe 4 qui s’était peut-être trop éloignée de nos élèves, désireux de progresser de manière régulière sans oublier la notion de plaisir. Nous espérons également que cette démonstration gardera au centre de notre formation l’esthétisme et la silhouette, vecteurs de nos enseignements techniques. Ces valeurs avaient peut-être été supplantées par une recherche d’efficacité excessive. Gageons que nous retrouverons tous du plaisir à effectuer un virage de classe 4 et surtout, à le faire réaliser à nos élèves.

 

Céline Dole, en collaboration avec Pascal Noraz, Maxence Idesheim, Jean-Michel Prost