Accueil  >  Actualités   >   Monologue  >   Yoan Bibollet | La success story du yooner

Yoan Bibollet | La success story du yooner

Yoan Bibollet La success story du yooner

Numéro 99

Un nouvel engin a fait son apparition dans les stations : le yooner, dont le concept s'inspire du passé de nos vallées pour permettre à tous de glisser. Surnommé le « kart des neiges », il permet de dévaler les pistes assis… sans aucun pré-requis ! Yoan Bibollet, moniteur à l’ESF de Manigod et créateur de l’engin, nous raconte l'épopée de cette nouvelle forme de glisse.

 

« Je me suis toujours intéressé à l’évolution de la glisse. Après avoir décroché mon brevet d’Etat, je me suis tourné vers les nouvelles glisses, telles le snowboard ou le télémark, mais aussi vers une “ancienne” glisse : le paret. Ce petit engin de bois, qui est l’objet symbole de Manigod, ma station, est même devenu mon principal centre d’intérêt durant ces six dernières années car j’ai décidé de me lancer dans un grand projet : créer puis commercialiser une version moderne de cet engin.

Le paret a vu le jour bien avant que la glisse ne devienne un loisir. Il s'est développé dans presque toutes les vallées alpines : en France, en Suisse, en Autriche et en Allemagne. Dans les Aravis, il était utilisé au siècle dernier par les enfants pour se rendre à l’école. Cette tradition était très ancrée à Manigod, qui revendique l’origine du paret. La station organise d’ailleurs chaque année les Championnats du monde de la discipline, auxquels j’ai participé à de nombreuses reprises. L’esprit de cet événement très amical m’a beaucoup plu et c’est lors de cette épreuve, juché sur mon petit lugeon de bois, le sourire aux lèvres, que l’idée de le remettre au goût du jour m’est venue. J’étais alors étudiant à l’école d’ingénieurs en mécanique de Genève, et je souhaitais connecter mes compétences d’ingénieur et ma connaissance du monde de la glisse. Ni une ni deux, la synergie s'est faite : la conception du yooner est devenue le sujet de mon stage de fin d’étude !

Le principal atout du yooner est son accessibilité : il est ouvert à tous, avec un potentiel immense. C’est ce qui m’a poussé à me lancer dans l’aventure de cette monoluge – un patin de snowblade sur lequel est fixé un siège. Un manche installé à l'avant permet de diriger l'engin, tandis que l'on peut freiner avec les pieds ou s'arrêter en dérapant. Le yooner est aussi facile à utiliser qu'une luge, avec l'avantage que son patin unique permet d'évoluer sur les pistes en taillant des courbes comme en ski. Il permet une pratique intensive sur terrain accidenté. N’importe qui peut, même s’il n’est jamais allé à la montagne de sa vie, dévaler une piste bleue en cinq minutes. Nous avons même vu un adepte du yooner âgé de 77 ans !

Ce nouveau concept de glisse répond à la demande actuelle de la clientèle des stations : de nombreux touristes viennent en montagne pour se retrouver, en famille ou entre amis, et s’adonner à des activités multi-glisse. Le zapping est de mise et les stations s’efforcent de diversifier leur offre, tout comme les ESF. Le yooner constitue une nouvelle carte à jouer, car il propose une alternative très facile d’accès à ceux qui ne peuvent pas skier (pour des raisons médicales par exemple) ou sont découragés par les difficultés rencontrées : ces non-skieurs peuvent grâce au yooner retrouver leur famille ou leurs amis sur les pistes et partager des moments riches en émotions.

 

J’ai travaillé pendant deux ans à la conception du yooner au sein de mon école d'ingénieurs avant de pouvoir proposer un produit pouvant être industrialisé. J'ai amélioré le confort et la stabilité du lugeon ferré (le patin) en le dotant d’un ski performant, de suspensions et de poignées de transport. J'ai déposé plusieurs brevets pour protéger l’invention et l'ai baptisée yooner, en référence à Yoonaska, une île volcanique située au large de l'Alaska où j’aimerais aller un jour… car malgré ce que certains croient, yooner n’est pas un dérivé de Yoan, mon prénom !

Tout était prêt dès 2007 : le business plan, les prototypes… Nous étions quatre partenaires, avec chacun un domaine de compétences : conception, commercialisation, comptabilité et maîtrise de chaîne de production du plastique. Cependant, il nous manquait un élément essentiel : le capital financier. Nous sommes tout de même passés à l’action, en engageant nos propres économies dans le projet, mais en développant le yooner dans une seule station, celle du Semnoz. Ce choix stratégique nous a permis de limiter les risques : nous ne pouvions pas nous permettre de commercialiser le produit à grande échelle dès la première saison car nous n'aurions pas pu pallier les éventuels problèmes techniques. L’engin a fait ses preuves – il était solide et ne présentait pas de défauts – et dès l'hiver 2008, nous avons officiellement lancé sa commercialisation. Nous devions le faire connaître et obtenir les autorisations nécessaires à son utilisation : il doit en effet être homologué par les stations afin de pouvoir circuler sur les pistes (essentiellement rouges et bleues). Notre commercial tournait dans les stations des Alpes mais au bout de deux hivers, nous nous sommes rendu compte que notre entreprise n'était pas rentable : les frais de déplacement étaient beaucoup trop élevés pour un seul produit, et nous n’avions pas assez de temps pour parcourir toutes les stations. Nous avons alors eu l’idée de nous rapprocher d’une marque avec un réseau déjà étendu, une grosse capacité d’innovation technique et commerciale et une excellente maîtrise de l’injection plastique : TSL Outdoor. C’est une belle histoire, car mon père a fait partie des premiers actionnaires de TSL, en 1981, avant de se retirer, et nous avons eu la chance de bénéficier de l'expérience de Philippe Gallay, le P.-D.G. de l'entreprise qui est aussi moniteur à l’ESF de La Clusaz. Il connaît très bien l’industrie de la montagne et le développement de nouvelles activités : c’est en effet à lui que l'on doit le succès des raquettes à neige. Nous espérons qu'il permettra au yooner de suivre le même chemin ! J’ai de plus été engagé par TSL en tant qu’ingénieur, et depuis, je travaille à la fois sur le yooner et les raquettes à neige.

 

Aujourd’hui, six ans après le lancement du premier yooner, nous pouvons dire que nous avons réussi notre pari. L’engin est présent et homologué dans soixante stations de ski et se démocratise : chaque hiver, nous permettons à trois ou quatre mille personnes de glisser en yooner lors des séminaires d’entreprises organisés par la station de La Clusaz qui marchent très fort. Une petite élite est également en train de se développer grâce au Yooner Tour (cf. encart) : un Championnat de France à l’esprit convivial, remporté cette année par des locaux et non plus des vacanciers. Le niveau est impressionnant : on a mesuré des participants à 88 km/h sur une piste rouge et ce, avec des trajectoires maîtrisées !

Notre gamme se compose de deux produits : un engin plastique – le modèle piste – et un modèle écologique, clin d’œil au paret artisanal des montagnards, le yooner Wood. Vendu chez Nature & Découverte, il a très bien marché, puisqu’il entre parfaitement dans le type de produits proposé par cette enseigne. Nous devons maintenant concevoir une nouvelle version, beaucoup plus performante, un deuxième souffle qui nous portera vers l’avenir. Nous sommes conscients que le yooner, comme tout nouveau produit, peut encore être amélioré. Nous allons donc créer un patin avec plus de flex et des lignes de cote plus travaillées afin de toucher une cible intéressante : les randonneurs raquettes. L’idée est de leur proposer de monter les pentes en raquettes avant de les redescendre en yooner. Nous ne leur offrirons pas vraiment du hors-piste car nous n’avons qu’un seul patin, assez court qui plus est, mais notre objectif est qu’ils se sentent aussi à l’aise sur piste que sur des sentiers damés par des raquettes.

Nous allons également nous efforcer de baisser le prix de vente, relativement élevé : le yooner coûte 190 euros. Ce prix est lié au choix technologique que nous avons fait au début de l’aventure. Notre manque de moyens nous a incités à opter pour les outils de production les moins chers, mais qui ne nous permettent pas de fabriquer en grande série. Nous souhaitons désormais proposer un prix de vente de 150 euros.

Notre dernier objectif consiste à commercialiser le yooner dans d’autres pays d’Europe. Nous avons l’exclusivité sur le marché français mais il existe des versions de l’engin en Autriche (le “ski fox” ou “seat to ski”) et en Suisse (le “balancer”). Il s’agit de versions plus métalliques et moins industrielles. Notre volonté est d’aller les concurrencer afin d’agrandir notre marché, d’autant que dans les autres pays, ces engins sont mieux acceptés qu’en France où ils rencontrent souvent des réticences. Les nouvelles glisses écrivent pourtant l'avenir de nos stations et nous espérons que le yooner laissera sa trace ! »

 

  Yoan Bibollet en bref 

• Né en 1979.

• 2002 : après un DUT de génie mécanique, obtient son diplôme d’ingénieur en mécanique à la Haute école de Genève.

• 1999-2002 : construit des parcs aventure à l’étranger.

• 2002-2004 : travaille chez Salomon en tant qu’ingénieur pour les skis de freeride.

• 2004 : obtient son BE ski alpin.

• 2007 : devient aspirant guide.

 

Le Yooner Tour 2014

Les stations de Saint-Jean-d’Aulps (25-26 janvier), La Clusaz (6 février en nocturne) et Praz-sur-Arly (finale les 8-9 février) accueilleront cet hiver la 3e édition du Yooner Tour, dont le format de course est un mix entre un géant et un boardercross. Les participants (catégories hommes, femmes et enfants de 10 à 14 ans) s'élancent par groupe de 4 à 6 personnes, et le premier arrivé a gagné ! Le meilleur déguisement est également primé pour l’ambiance. Il n’y a aucune obligation de venir à toutes les étapes, le Yooner Tour a avant tout une vocation amicale : faire partager des sensations nouvelles au cours de journées dont les maîtres mots sont convivialité et défi !

Plus d’infos sur www.yoonertour.com

 

Emilie Martin

Photos TSL/Yannros